Prévenir l'usure des salariés pour être plus attractif

Publié le 12/11/2007

Confronté au vieillissement de sa population, cet atelier de bobinage fournit l'essentiel des plaintes qui arrivent à l'infirmerie. L'analyse psycho-sociale montre que la gestion et l'organisation du travail ainsi que les relations professionnelles et sociales sont en cause.

Informations sur le cas

PE (20 à <50)
Industrie

Présentation

Cette filiale d'un grand groupe français est spécialisée dans la fabrication de moteurs électriques spécifiques et sur mesure pour des marchés privés et d'Etat. Son effectif s'est réduit de 50 personnes suite à des départs en retraite non remplacés. Certains services sont sinistrés, comme la logistique où il ne reste plus que 20 % du personnel. Une nouvelle vague de départs se profile, qui devrait toucher principalement l'atelier de bobinage.

Demande de l'entreprise

L'atelier de bobinage emploie 60 opérateurs dont 70 % de femmes, avec une moyenne d'âge de 50 ans. Le poste impose de nombreuses contraintes physiques (efforts musculaires, gestes et postures) pour les membres supérieurs. L'entreprise rencontre des difficultés de reclassement suite à des inaptitudes (épicondylite, tendinite...), alors que l'apprentissage au poste dure au minimum un an. Le DRH veut réduire la pénibilité et prévenir l'apparition de maladies professionnelles, avec un double enjeu : favoriser l’allongement de la durée de vie au travail et rendre les postes plus attractifs.

Démarche

La démarche menée sur l'atelier de bobinage s'inscrit dans un projet plus large de l'entreprise : assurer la pérennité du site, en devenant une référence internationale pour le réseau commercial du groupe. Il faut développer des produits à forte valeur ajoutée, tout en maintenant le volume de moteurs industriels standard. Ce qui passe par la réduction des temps de fabrication et notamment des temps improductifs.

Dans ce contexte, il ne s'agit donc pas uniquement d'aménager techniquement les postes mais d'envisager des améliorations de l'organisation, qui auront des impacts sur les missions de l'encadrement de proximité.

Avec un tiers du total des plaintes, les salariés du bobinage sont ceux qui consultent le plus l'infirmerie, y compris les plus jeunes. Pour identifier les causes de survenues des troubles musculo-squelettiques, deux études simultanées sont menées : l'une biomécanique, l'autre d'ordre psycho-social. Ces deux approches permettent d'identifier, d'une part, les tâches critiques qui peuvent générer des gestes et postures néfastes pour la santé et, d'autre part, le ressenti des salariés sur la pénibilité des postes, mais aussi sur la gestion du travail et des parcours professionnels, sur l'organisation du travail, et sur la qualité des relations sociales et professionnelles.

Concernant la gestion du travail, l'encadrement a autorisé des marges de manoeuvre individuelles (horaire à la carte, pauses...) aux plus anciens, pour compenser la pénibilité des postes. Un point à considérer dans la perspective de l'arrivée de plus jeunes, qui n'auront pas droit à cette souplesse. Par ailleurs, la politique et les pratiques de gestion des ressources humaines (système de prime, prise en compte des demandes de valorisation des acquis de l'expérience, positionnement dans les grilles de qualification) sont partiellement et mal connues de l'ensemble des salariés. D'où le sentiment que leur savoir-faire n'est pas reconnu.

En matière d'organisation du travail, les opérateurs ont développé des pratiques hétérogènes à tous les niveaux du processus de fabrication sans se soucier des impacts possibles en aval. Résultats : les erreurs se répercutent sur d'autres postes, générant du temps de "rattrapage", lui-même source d'énervement et de tensions.

Quant aux relations professionnelles et sociales, l'apprentissage est fondé sur la réplication des bonnes pratiques à travers un tuteur désigné par l'encadrement. Le transfert et les conseils venant d'autres collègues sont mal considérés par l'encadrement de proximité. Ce qui ne favorise pas une bonne ambiance et ne valorise pas l'expérience des "plus anciens".

Au-delà de l'atelier de bobinage, le diagnostic permet donc d'identifier : l'impact de la pyramide des âges sur la performance de l'entreprise (quelle structure d'âge par atelier, quels postes et quelles personnes touchées par les maladies professionnelles) ; l'effet de la gestion des ressources humaines sur l'exclusion – ou non – de certaines populations (accès à la formation, valorisation des acquis de l'expérience, système de prime…) ; et la capacité du processus de management à accompagner les changements d'organisation et les mouvements du personnel à venir.

Bilan

Les préconisations visent trois objectifs. D'abord, clarifier le projet d’amélioration des conditions de travail :

  • en identifiant les buts poursuivis, les actions à court (le poids de certains outils), moyen (l'agencement des postes) et long terme, les acteurs, le budget ;
  • en se dotant d’un tableau de bord sur les données de santé ;
  • en communicant sur les perspectives d’évolution de l’activité de bobinage, les remplacements des départs en retraite, le volume d’activité…

Deuxième objectif : identifier collectivement les procédures, objectifs et délais pour chaque étape du processus de fabrication, les pratiques communes et spécifiques aux salariés (selon l’âge, l’expérience, la morphologie…), leurs effets possibles sur le résultat attendu. Enfin dernier objectif, la clarification et le renforcement des missions d’encadrement de proximité passe par :

  • l'élaboration de critères d’évaluation des compétences et des modalités de la valorisation des acquis de l'expérience ;
  • l'établissement de règles collectives pour les horaires, les temps de récupération ;
  • la communication de ces règles aux salariés et le retour argumenté de leur demande.